lundi 1 août 2016

Notre première soirée à Xin Chai



Thien est le chef du hameau de Xin Chai.
Sa famille a naturellement été désignée pour nous héberger.

Thien
 
La maison de Thien est simple, vide. 




Toute la richesse est concentrée dans les sacs de riz et d’engrais, entassés près de l'entrée. La maison n'a pas de porte, il n'y a rien à voler. 
Tous ceux qui passent à proximité, peuvent entrer se réchauffer ou discuter autour d'une tasse de thé. 


Les voisins


De fins matelas et des couvertures sont rassemblés près du foyer qui illumine l'obscurité. C'est le Comité Populaire qui les a apportés. 
A 12, nous serons bien serrés, dans ce petit espace enfumé. 




Malgré sa notoriété, Thien ne se sent pas à la hauteur de notre arrivée. Il se confond d'excuses face à sa pauvreté et au manque de confort qu'il va nous imposer. 

Son épouse Truong est elle aussi impressionnée. Elle n'a pas l'habitude d'accueillir autant d'invités. Pour la rassurer et la soulager, les autorités ont embauché un cuisiner réputé qu'elle n'aura qu'à seconder. 

Truong


C'est l'heure du dîner et les enfants du couple sont agités. 
Leurs petites mains se jettent sur chaque plat de viande et Thien très embarrassé, ne cesse de s'en excuser. 
Nous comprenons que notre repas est un festin auquel ils ne sont pas habitués. 
 
A la fin de la soirée, le cuisinier nous a demandé si nous étions satisfaits. Son diner étant plus que parfait, nous lui avons donné un 10, à l'unanimité.



Hiep ( fils de Thien et Truong)



Huy (fils de Thien et Truong)


Les patriarches viennent d'arriver. 


La grand mère


Pour nous honorer, la grand mère souhaite porter sa tenue de soirée. Elle est très belle avec la veste  qu'elle a confectionnée et les bijoux dont elle a hérités. 


  

Dans l'obscurité, le grand père l'observe avec beaucoup de fierté.


Le grand père


 Pour faire plus ample connaissance, Thien propose de se présenter. Sa voix a changé. Nous ressentons une étrange gravité dans les paroles qui sont prononcées.

Thien (à droite)


Il nous raconte qu'il avait 6 ans, quand il est tombé amoureux de la jolie Truong qui vit aujourd'hui à ses côtés. Leur histoire d'amour aurait put être d'une extrême simplicité, mais telle ne fut pas leur destinée. 
Quand il avait 9 ans, Thien fut marié avec une jeune fille de 12 ans qu'il n'avait jamais rencontrée. Un mariage arrangé dont il se serait bien passé. 
A 15 ans, Thien s'est rebellé et a exigé que son divorce soit prononcé. Ses parents ont cédé et payé la forte pénalité exigée par la famille déshonorée: 600 Kg de riz blanc, 160 kg de riz gluant, 3 cochons, 2 truies pleines et plusieurs millions de Dongs d'indemnité. 

Thien a retrouvé sa liberté mais de son côté Truong avait été fiancée et ses parents refusaient que son futur mariage soit déprogrammé. 
Malgré les difficultés, Thien et Truong ont continué à s'aimer en secret. 
Ils avaient 23 ans quand ils ont menacé de s'enfuir et de tout brûler si leur mariage n'était pas célébré. 

Leur volonté a fini par être exaucée et deux petits garçons sont nés, de cette union tant désirée.


Thien et Truong


Pendant ses jeunes années, Thien, étudiant infirmier, passait son temps libre à aider, les écoliers en difficulté. 
Sa générosité était appréciée et quand un nouveau chef de village dû être nommé, c'est lui qui fut désigné.

Thien est aujourd'hui un homme comblé et un chef respecté. Il gère son village avec beaucoup d'humanité et nous sommes heureux de l'avoir rencontré.

A son tour, il veut nous écouter, comprendre pourquoi nous souhaitons aider les enfants, à travers leur scolarité. Il nous demande si nous ne sommes pas découragés, face à l'ampleur des difficultés. Il  souhaite nos conseils pour sortir sa région de la pauvreté. Il veut nous entendre parler du bonheur de vivre dans un pays développé... 

Que répondre à ces questions compliquées ? 

Comment lui expliquer qu'il y a, ici, plus de sourires au mètre carré, que dans nos grandes cités ?

Comment lui parler de notre actualité et de ses incivilités, lui faire comprendre que notre société est d'une immense complexité et que le vrai bonheur est peut être dans la simplicité, que nous sommes venus chercher à ses côtés ?

Des voisins viennent d'arriver. 
Thien nous explique que le village n'a jamais accueilli d'étrangers et que chaque soir, un nouveau groupe va passer. 

Les invités souhaitent trinquer : A notre santé, à notre bonheur, à notre prospérité, à notre arrivée, à leur joie de nous rencontrer, à cette belle soirée, aux vêtements que nous avons apportés, aux sacs d’engrais que nous viendrons leur porter, à l'école que nous avons financée... 




 






La maison commence à tanguer !
Dur , dur... l'alcool de manioc a du mal à passer et c'est autour d'une tasse de thé que s’achèvera cette première soirée.

Chaque soir, un nouveau groupe est arrivé et nous avons trinqué, beaucoup chanté, et même parfois dansé, pour célébrer nos nouvelles amitiés. 

A la fin de cette première journée, notre appréhension est complètement tombée et c'est bien fatigués que sommes allés nous coucher. 

La nuit fut agitée !

Tous les villageois souhaitaient voir dormir les français, et c'est sur la pointe des pieds qu'ils ont, toute la nuit, défilés.

Dans la culture Nung'U, les femmes dorment généralement dans un coin de la maison et les hommes dans un autre. Nous avons donc demandé à Thien si le manque d'intimité, culturellement imposé, n'était pas trop compliqué à gérer. 
Il nous a répondu avec un grand sourire amusé, que lorsque toute la maisonnée était dans les bras de Morphée, tel un chat rusé, il rejoignait sa dulcinée qu'il emportait, loin des regards indiscrets. 

Il est 5h00. Le chant du coq vient de nous réveiller. 
Nous ne comprenons pas que la nuit soit déjà terminée.
Nous sommes bien fatigués et il va nous falloir du courage, pour nous laver à l'eau glacée, qui coule d'un petit robinet.




 
 Huong, Ha et Truong préparent le petit déjeuner : des crêpes et des nouilles sautées. 




Pas le temps de flemmarder, les villageois sont déjà en train de travailler et ils attendent notre arrivée.