Thien est le chef du hameau de Xin
Chai.
Sa famille a naturellement été
désignée pour nous héberger.
Thien |
La maison de Thien est
simple, vide.
Toute la richesse est concentrée dans les sacs de riz
et d’engrais, entassés près de l'entrée. La maison n'a pas de
porte, il n'y a rien à voler.
Tous ceux qui passent à proximité,
peuvent entrer se réchauffer ou discuter autour d'une tasse de thé.
Les voisins |
De fins matelas et des couvertures sont rassemblés près du foyer
qui illumine l'obscurité. C'est le Comité Populaire qui les a
apportés.
A 12, nous serons bien serrés, dans ce petit espace
enfumé.
Malgré sa notoriété, Thien ne se
sent pas à la hauteur de notre arrivée. Il se confond d'excuses
face à sa pauvreté et au manque de confort qu'il va nous imposer.
Son épouse Truong est elle aussi
impressionnée. Elle n'a pas l'habitude d'accueillir autant
d'invités. Pour la rassurer et la soulager, les autorités ont
embauché un cuisiner réputé qu'elle n'aura qu'à seconder.
Truong |
C'est l'heure du dîner et les enfants du couple sont agités.
Leurs petites mains se jettent sur
chaque plat de viande et Thien très embarrassé, ne cesse de s'en excuser.
Nous comprenons que notre repas est un festin
auquel ils ne sont pas habitués.
A la fin de la soirée, le cuisinier
nous a demandé si nous étions satisfaits. Son diner étant plus que
parfait, nous lui avons donné un 10, à l'unanimité.
Hiep ( fils de Thien et Truong) |
Huy (fils de Thien et Truong) |
Les patriarches viennent d'arriver.
La grand mère |
Pour nous honorer, la grand mère souhaite porter sa tenue de soirée.
Elle est très belle avec la veste qu'elle a confectionnée et les bijoux dont elle a hérités.
Dans l'obscurité, le grand père l'observe avec beaucoup de fierté.
Le grand père |
Pour faire plus ample connaissance,
Thien propose de se présenter. Sa voix a changé. Nous ressentons
une étrange gravité dans les paroles qui sont prononcées.
Thien (à droite) |
Il nous raconte qu'il avait 6 ans,
quand il est tombé amoureux de la jolie Truong qui vit aujourd'hui à
ses côtés. Leur histoire d'amour aurait put être d'une extrême
simplicité, mais telle ne fut pas leur destinée.
Quand il avait 9
ans, Thien fut marié avec une jeune fille de 12 ans qu'il n'avait
jamais rencontrée. Un mariage arrangé dont il se serait bien passé.
A 15 ans, Thien s'est rebellé et a exigé que son divorce soit
prononcé. Ses parents ont cédé et payé la forte pénalité exigée
par la famille déshonorée: 600 Kg de riz blanc, 160 kg de riz
gluant, 3 cochons, 2 truies pleines et plusieurs millions de Dongs
d'indemnité.
Thien a retrouvé sa liberté mais de
son côté Truong avait été fiancée et ses parents refusaient que son
futur mariage soit déprogrammé.
Malgré les difficultés, Thien et
Truong ont continué à s'aimer en secret.
Ils avaient 23 ans quand
ils ont menacé de s'enfuir et de tout brûler si leur mariage
n'était pas célébré.
Leur volonté a fini par être exaucée
et deux petits garçons sont nés, de cette union tant désirée.
Thien et Truong |
Pendant ses jeunes années, Thien,
étudiant infirmier, passait son temps libre à aider, les écoliers
en difficulté.
Sa générosité était appréciée et quand un
nouveau chef de village dû être nommé, c'est lui qui fut désigné.
Thien est aujourd'hui un homme comblé
et un chef respecté. Il gère son village avec beaucoup d'humanité et nous sommes heureux de l'avoir rencontré.
A son tour, il veut nous écouter,
comprendre pourquoi nous souhaitons aider les enfants, à travers leur scolarité. Il nous demande si nous ne sommes pas découragés, face à
l'ampleur des difficultés. Il souhaite nos conseils pour sortir sa région de la pauvreté. Il veut nous entendre parler du bonheur de vivre dans un
pays développé...
Que répondre à ces questions
compliquées ?
Comment lui expliquer qu'il y a, ici, plus de sourires au mètre carré, que dans nos
grandes cités ?
Comment lui parler de notre actualité et de ses incivilités,
lui faire comprendre que notre société est d'une immense
complexité et que le vrai bonheur est peut être dans la simplicité,
que nous sommes venus chercher à ses côtés ?
Des voisins viennent d'arriver.
Thien
nous explique que le village n'a jamais accueilli d'étrangers et que
chaque soir, un nouveau groupe va passer.
Les invités souhaitent trinquer :
A notre santé, à notre bonheur, à notre prospérité, à notre
arrivée, à leur joie de nous rencontrer, à cette belle soirée,
aux vêtements que nous avons apportés, aux sacs d’engrais que
nous viendrons leur porter, à l'école que nous avons financée...
La maison commence à tanguer !
Dur , dur... l'alcool de manioc a du
mal à passer et c'est autour d'une tasse de thé que s’achèvera
cette première soirée.
Chaque soir, un nouveau groupe est
arrivé et nous avons trinqué, beaucoup chanté, et même parfois dansé,
pour célébrer nos nouvelles amitiés.
A la fin de cette première journée, notre
appréhension est complètement tombée et c'est bien fatigués que
sommes allés nous coucher.
La nuit fut agitée !
Tous les villageois souhaitaient voir dormir
les français, et c'est sur la pointe des pieds qu'ils ont, toute la nuit, défilés.
Dans la culture Nung'U, les femmes
dorment généralement dans un coin de la maison et les hommes dans
un autre. Nous avons donc demandé à Thien si le manque d'intimité,
culturellement imposé, n'était pas trop compliqué à gérer.
Il
nous a répondu avec un grand sourire amusé, que lorsque toute la
maisonnée était dans les bras de Morphée, tel un chat rusé,
il rejoignait sa dulcinée qu'il emportait, loin des regards
indiscrets.
Il est 5h00. Le chant du coq vient de nous réveiller.
Nous ne comprenons pas que la nuit soit
déjà terminée.
Nous sommes bien fatigués et il va nous
falloir du courage, pour nous laver à l'eau glacée, qui coule d'un
petit robinet.
Huong, Ha et Truong préparent le petit déjeuner : des
crêpes et des nouilles sautées.
Pas le temps de flemmarder, les
villageois sont déjà en train de travailler et ils attendent notre
arrivée.